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Article rédigé (mais non publié) pour le Journal des Historiens et Géographes, par le père Alain Forissier, écrivain et historien.

…J’ai été impressionné par la richesse des registres de l’ouvrage. L’exposé des événements est mené avec une rigueur presque méticuleuse qui s’apparente à un travail d’ethnologue. La recherche des traces d’une carrière, compliquée par la situation dans laquelle elle se déroule, est conduite avec une application constante. On semble marcher pas à pas, au même rythme, en ne négligeant aucune observation utile, même minime. C’est une oeuvre d’orfévrerie, patiente et soignée dans tous les détails. Il en résulte, sans doute, au premier contact, une sorte d’écriture sèche, efficace, implacable, qui authentifie la véracité du récit et révèle le soin apporté à une quête obstinée des sources. Cependant l’évocation d’une atmosphère propre à une époque, particulièrement celle de ces années d’occupation si complexes et contrastées, est toujours nécessaire pour que l’Histoire ne soit pas un simple compte-rendu, mais une existence restituée, réanimée. Elle est ici obtenue par le secours constant à l’histoire personnelle d’Henri Maux, aux traits de sa personnalité attachante et vigoureuse. L’histoire des événements est vécue à travers lui-même, comme éclairée par le rayonnement qui émane de lui. La vision de son biographe, se double d’un regard de connivence sur le destin d’un homme d’exceptionnelle droiture, avec ses hésitations, ses nostalgies, ses peines, ses inquiétudes, ses espoirs. Car, se greffant sur cette Histoire, ou plutôt l’accompagnant, il y a dans ce livre, grâce à la documentation puisée dans les notes et lettres personnelles, une évocation familiale qui introduit peu à peu, dans un ouvrage au sujet austère, une émotion palpable. Cet enchevêtrement des plans, cet entremêlement des domaines, est réalisé avec une maîtrise étonnante qui n’a été rendue possible qu’en raison des liens d’affection qui unissent, au delà de la mort, l’écrivain et son héros. La chronique de la « Lutte contre le chômage à Vichy », devient une peinture du climat de la guerre et de l’occupation, en même temps que le portrait d’un être de chair et un recueil de souvenirs familiaux. La densité n’est plus seulement de l’ordre de l’écriture, elle est le résultat du foisonnement même de la vie, totalement respecté ici, alors que souvent l’historien, rivé à un sujet particulier, se détache de la réalité humaine et de sa mystérieuse diversité. Je ne pense donc pas qu’un homme de métier, historien patenté, attentif aux idées générales, soucieux de synthèses claires, et nécessairement distancié de son sujet pour mieux le dominer, aurait pu jouer ainsi, avec tant d’élégant doigté, sur plusieurs registres si différents. Ce qui aurait pu engendrer une impression de confusion, en raison de ces entrecroisements incessants, nous restitue tout simplement une existence humaine, sous ses aspects multiples qui, loin de se confondre, sont unifiés par une certaine vision des sens de la vie.

Ce n’est plus seulement de l’Histoire, même si celle-ci y trouve son compte, c’est la Vie, celle d’un homme, celle d’une famille, celle d’une région, celle de la province sous l’occupation, celle d’un peuple tout entier. Or l’Histoire intéresse et suscite la réflexion, mais la Vie émeut et édifie. L’Histoire constate ce qui a été, la Vie est un appel à un dépassement de soi, par les modèles qu’elle nous en offre.

A.R.F 3.12.2004 le-juste-dessin

 

Autre articles

  • Le Commissariat à la Lutte contre le chômage de zone sud 1939-1944 Revue Guerre mondiale et conflits contemporains. PUF n°206 décembre 2002
  • La résistance au sein du Commissariat à la lutte contre le chômage à Vichy. Revue Historique des Armées n°237 année 2004
  • Ministère du Travail, pour son 100° anniversaire Ouvrage collectif. Chapitre sur le Commissariat à la Lutte contre le Chômage. Avec la collaboration des archives du fonds Henri Maux Archives Nationales.